Le pouvoir de marché permet-il d'expliquer l'inflation ?


* Qu’est-ce que l’inflation ?


inflationSelon l’INSEE, l'inflation se traduit par  une augmentation générale et durable des prix. Donc pour parler d’inflation, il faut que le phénomène soit durable et qu’il ne se restreigne pas à l’augmentation du prix de seulement quelques biens. Le taux d’inflation est l’augmentation en pourcentage du niveau général des prix. Il permet la mesure de l’inflation. Ainsi, lorsque l’on dit que l’inflation diminue, cela veut dire que le taux d’inflation devient moins élevé. Cela ne veut donc pas dire que les prix diminuent mais qu’ils augmentent moins fortement : on parle alors de désinflation. Il peut arriver, même si c’est rare, que le niveau général des prix diminue. Le taux d’inflation est alors négatif : on parle de déflation.


* Comment évolue l’inflation ?


image evolution

Durant l'été 2021, l'inflation a brusquement augmenté : entre juillet 2021 et juillet 2022, le taux d’inflation est passée de 1,5 % à 6,8 % en France. Il atteint même 7,2 % début 2023. Ces taux élevés contrastent avec la longue période d’inflation faible qui débute à la fin des années 1980 et qui va durer jusqu’en 2021.


* Qu’est-ce qui explique ce retour de l’inflation ?


image La période de confinement liée au Covid (coronavirus) s’accompagne d’une forte baisse de la demande. Lors de la reprise, les consommateurs rattrapent une partie de leur demande reportée. La demande connaît donc une très forte hausse. Et si la production bondit elle aussi (croissance économique de plus de 6 % en France en 2021), elle ne suffit pas à couvrir la demande. Les prix augmentent donc.
D’autant plus que l’offre rencontre des obstacles : rupture des chaînes d’approvisionnement (il manque par exemple des composantes électroniques pour fabriquer des voitures), politique zéro-covid en Chine (la Chine ferme des usines dès qu’un cas de covid est signalé), mauvaises conditions climatiques (notamment pour l’agriculture).
La guerre en Ukraine agit aussi sur les prix puisqu’il y a une baisse de l’offre due à la baisse des offres ukrainienne et russe (dues à la guerre et aux sanctions économiques internationales). Ce sont les prix de l’énergie (pétrole, gaz, mais aussi électricité) et de certaines matières premières (blé, huile, etc.) qui augmentent le plus.
Ainsi la faiblesse de l’offre face à une forte demande permet de comprendre pourquoi les prix augmentent, même si l’on peut invoquer d’autres raisons, comme l’augmentation de la masse monétaire due à des taux d’intérêt bas (cliquez ici pour voir l’article).


* Comment le pouvoir de marché explique-t-il l’inflation ?


image Gille RaveaudPour Gilles Raveaud, maître de conférence à  Institut d’études européennes à Paris, dire que les prix augmentent n’est pas faux mais trompeur. Il faudrait en réalité dire que les producteurs ont augmenté leurs prix.
Dans une économie de marché où les marchés sont concurrentiels, les prix sont déterminés par la loi de l’offre et de la demande. Ni les vendeurs (offreurs), ni les acheteurs (demandeurs) n’ont de pouvoir de marché. Ce qui veut dire qu’ils ne peuvent pas influencer la détermination des prix. On dit qu’ils sont price taker (preneurs de prix). Mais dans nos économies, quelques très grandes entreprises ont la possibilité d’augmenter leurs prix sans perdre de clients (ou très peu). On dit que ces entreprises sont price maker (faiseurs de prix) ou qu’elles détiennent un pouvoir de marché (cliquez ici pour voir la vidéo).

C’est le cas des entreprises qui sont en situation de quasi-monopole (comme Apple), ou en situation d’oligopole (situation de marché où seulement quelques producteurs constituent l’offre). Par exemple pour les lessives, ou les céréales, malgré la multitude de marques, seuls quelques producteurs sont présents sur ces marchés. C’est le cas aussi d’entreprises qui vendent des produits dont on ne peut pas se passer (carburants, électricité, etc.), ou qui bénéficient d’une excellente image de marque (comme Décathlon), ou qui vendent des produits que l’on a l’habitude d’acheter sans regarder la concurrence (Coca Cola, Nutella, etc.).


image profit

Par exemple, prétextant une augmentation de leurs coûts de production, certaines grandes entreprises de l’agro-alimentaire en profitent en réalité pour augmenter leurs marges bénéficiaires (l’argent qu’elles gagnent). Elles ont en effet accrues leurs prix de 10 % de plus que l’augmentation de leurs coûts de production, à la fin de l’année 2023.



* Le pouvoir de marché des entreprises est-il sans limite ?


image distribution d'alimentsLeur pouvoir de marché n’est pas sans limite. D’une part, la grande distribution (Carrefour, Leclerc, Intermarché, Casino, système U, etc.) fait pression sur certains producteurs pour qu’ils baissent le prix de leurs produits, et peuvent aller jusqu'à retirer certains de leurs produits des rayons, en cas de refus. D’autre part, les consommateurs diminuent leur consommation de produits alimentaires, ce qui est un fait inédit et plutôt inquiétant dans une économie développée comme la notre. En effet, plus d'un Français sur deux saute au moins un repas par jour, selon le baromètre annuel de la pauvreté du Secours populaire.