Faut-il s'inquiéter de la zombification de l'économie ?


* qu’est-ce que le processus de destruction créatrice ?


J. SchumpeterPour bien comprendre le problème que peut poser le phénomène de zombification de l’économie, il faut revenir sur le processus de destruction créatrice décrit par Joseph Aloïs Schumpeter. L’économie voit se succéder des cycles qui commencent par la diffusion d’innovations. Les entreprises routinières, celles qui n’innovent pas ou qui n’imitent pas les innovateurs, se trouvent dépassées et disparaissent : elles font faillite. Il y a donc, pour une partie de l’économie, une destruction de l’activité et de l’emploi : ces entreprises ferment, des salariés se retrouvent au chômage, du matériel est vendu (capital). Mais il ne faut pas s’en inquiéter puisque les ressources en capital et en travailleurs, qui vont se trouver ainsi libérées, vont pouvoir être utilisées par les entreprises qui innovent ou par les entreprises qui imitent les innovateurs. Celles-ci sont en plein essor : c’est le processus de création qui vient, en début de cycle, plus que compenser le processus de destruction. Il y a donc en même temps, de la création et de la destruction mais la création l’emporte sur la destruction au début du cycle.


* qu’est-ce que la zombification de l’économie ?


image zombiesIl y a donc des entreprises qui meurent et des entreprises qui naissent ou qui se développent en imitant les innovateurs. Mais il existe un troisième type d’entreprise : des entreprises qui ne sont pas mortes (pas encore en cessation d’activité) mais pas vraiment en vie car elles ne survivent que grâce à l’endettement : on parle alors d’entreprises zombies, car elles sont entre la vie et la mort. Il s’agit d’entreprises matures (plus de dix ans) dont les profits ne permettent pas de couvrir les intérêts de leurs dettes sur plusieurs années. Et comme le nombre de ces entreprises a fortement augmenté durant les deux dernières décennies, on parle alors de zombification de l’économie. La crise du covid aurait du assainir l’économie et précipiter la chute de ces entreprises non viables. Mais l’État s’est porté au secours des entreprises notamment grâce à des prêts garantis par l’État (PGE) et ce, sans distinction entre les entreprises viables et les entreprises non viables. Ces aides n’auraient-elles pas accentué le phénomène ?


* que redoute-t-on ?


Agnès Bénassy-Quéré
Les entreprises zombies sont surendettées. Elles ne peuvent plus consacrer de fonds à l’investissement (pas d’accroissement du facteur capital) et encore moins à l’investissement en recherche et développement (pas d’accroissement du capital technologique). Elles deviennent « des boulets pour la croissance » selon les termes d’Agnès Bénassy-Quéré, Chef économiste de la direction générale du Trésor (pour voir l’article en entier). De plus, en remettant en cause le processus de destruction créatrice, elles défavorisent l’allocation des ressources des entreprises les moins productives vers les entreprises les plus productives, ce qui, encore une fois, n’est pas favorable à la croissance économique. Enfin, certains craignent que la fin des aides aux entreprises ne se solde pas des défaillances en cascade, avec une forte remontée du chômage.


* les craintes sont-elles fondées ?


image aides de l'Etat
Toujours selon Agnès Bénassy-Quéré, les craintes d’une zombification de l’économie du fait des aides de l’État ne sont pas avérées, car « les aides ont permis de réduire très fortement le nombre d’entreprises à risque d’insolvabilité, sans sélectionner les plus productives ni les moins productives ». Et selon une étude de la banque des règlements internationaux (BRI), près de 60 % des entreprises parviennent à sortir de leur statut de « zombie ». Ainsi les craintes d’une zombification de l’économie sont à nuancer. Les aides de l’État ont bien été nécessaires car elles ont permis de préserver le tissu productif et les compétences, contredisant ainsi l’argument de Schumpeter.