Pourquoi et comment l'Union Européenne se construit-elle?

1 – pourquoi l'Union Eurpéenne se construit-elle ?

Se poser la question de la construction européenne, c'est se poser la question de l'intégration régionnale, c'est-à-dire, d'un processus par lequel plusieurs nations s'accordent pour faciliter les échanges entre elles, afin d'unifier progressivement leurs marchés et d'en tirer des avantages mutuels.

* pourquoi cette intégration européenne est-elle nécessaire ?

Jean Monnet

« Nos pays sont devenus trop petits pour le monde actuel, à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure de l’Amérique et de la Russie d’aujourd’hui, de la Chine et de l’Inde de demain. L’unité des peuples européens, réunis dans les Etats-Unis d’Europe, est le moyen de relever leur niveau de vie et de maintenir la paix». Jean Monnet, novembre 1954.


Jean Monnet est un haut fonctionnaire français qui s’est illustré pendant la Seconde Guerre Mondiale. Promoteur du libre-échange et d'une disparition des États-nations au profit d'une Europe fédérale sur le modèle des États-Unis, il est considéré comme un des pères de l'Europe.

Suite aux élargissements successifs, l'Union européenne à 27 fait partie des trois premières puissances économiques au monde avec les Etats-Unis et la Chine. Pourtant, pris isolément, chaque pays européens pèse d’un poids négligeable sur la scène économique mondiale.

L’objectif poursuivi est de favoriser le libre échange entre les pays membres de l’Union Européenne et donc de favoriser les échanges entre ces pays, ce qui devrait leur permettre de s’enrichir.

Mais la création de l’Union européenne poursuit aussi un objectif politique de paix. En effet, le commerce adoucit les mœurs (selon Montesquieu). Ainsi, en 2012, l’Union Européenne reçoit le prix Nobel de la paix.

2 – quels sont les étapes d'une intégration régionale ?

Balassa


L'économiste Béla Balassa a établi quelles sont, en théorie, les différentes étapes du processus d'intégration régionale, de la zone de libre-échange à l'union économique et monétaire. C'est la théorie fondatrice de l'Union européenne. La typologie qu'il élabore se veut progressive.


Il y a d’abord la zone de libre-échange : les pays membres de la zone s’accordent pour que les échanges commerciaux entre pays membres ne soient plus soumis à des barrières protectionnistes (abolition des droits de douanes et des barrières non tarifaires). Par contre, chaque pays est libre de fixer des barrières protectionnistes avec des pays extérieurs à la zone (exemples l’ALENA, l’ASEAN).

Il y a ensuite l’union douanière : il s’agit d’une zone de libre échange dans laquelle les pays membres harmonisent leurs législations douanières vis-à-vis du reste du monde (mise en place d’un tarif extérieur commun par rapport au reste du monde). Par exemple le Mercosur.

Il vient après après le marché commun appelé aujourd’hui marché unique en Europe : il s’agit d’une union douanière à laquelle on ajoute la libre circulation des facteurs de production, ce qui suppose l'harmonisation des réglementations nationales.

Remarque : depuis le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni ne fait plus parti du marché unique (Brexit), ni de l’Union douanière. A la place, le pays a conclu avec l’Union européenne un accord de commerce et de coopération (traité de libre-échange essentiellement).

Il vient enfin l’union économique et monétaire : il s’agit d’un marché unique où l’on harmonise les politiques économiques et sociales et où les pays membres se dotent d’une même monnaie et poursuivent une politique monétaire unique (exemple : la Zone euro : 20 Etats membres).

La dernière étape, même si elle n’apparaît pas dans la typologie de Balassa, serait celle de la fédération : si l’on poursuit le processus d'intégration régionale, on peut aboutir à une véritable fédération d'Etats, ou union politique : constitution d'un pouvoir politique fédéral, harmonisation totale des politiques fiscales et sociales. Exemple des Etats-Unis d'Amérique mais attention : les Etats-Unis d’amérique ne sont pas issus d'un processus d'intégration régionale.

Définitions :
Marché unique : ensemble de pays qui s’accordent pour laisser circuler librement les biens, les services, les personnes et les capitaux.

Zone euro : union économique monétaire européenne, c’est-à-dire, marché unique où les pays membres se dotent d’une même monnaie, l’euro, et poursuivent une politique monétaire unique conduite par la banque centrale européenne (BCE)
.

Remarque : les avantages espérés de la monnaie unique sont des gains d’efficacité liés à la baisse des coûts de transaction (il n’y a plus à réaliser d’opération de conversion de monnaies pour échanger au sein de la zone), à la formation d’un prix unique pour un même bien ou service (signe que la concurrence s’exerce à l’échelle européenne et pas seulement à l’échelle de chaque pays) et à la disparition du risque de change (ce risque nuit à l’efficacité des décisions des acteurs du fait notamment du coût qu’implique la couverture contre ce risque).

3 – comment l'Union européenne s'est-elle réellement construite ?

L'Union Européenne a, dès sa création, refusé d'être une simple zone de libre-échange. Elle est d'emblée une union douanière. De plus, il existe des politiques économiques communes dès la signature du Traité de Rome (1957), notamment la politique agricole commune (PAC), alors que la libre circulation des marchandises et des facteurs de production n'est réalisée qu'en 1993. Il y avait donc des éléments d'union économique avant même la mise en place du marché commun.

De plus, l'Union Européenne s'est dotée d'institutions supranationales. Cela montre que l'intégration européenne n'est pas un processus uniforme et linéaire, l'Europe n'a pas suivi dans l'ordre les différentes étapes de l'intégration économique. C'est un processus complexe où différentes étapes s'enchevêtrent : les degrés d’intégration ne sont pas des étapes qui se succèdent mais des processus qui s’enchevêtrent.

C’est en ce sens que l’Union européenne est une construction originale, elle ne vise pas seulement à construire un espace économique intégré mais à faire de l’Europe un acteur à part entière de la vie internationale.

4 – le marché unique est-il efficace ?

Le marché unique permet la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des travailleurs. Il favorisent le commerce intracommunautaire qui représente plus des deux tiers du commerce extérieur des pays européens. Le marché unique est l’un des plus grand marché solvable au monde avec près de 500 millions de consommateurs.

* le marché unique n'est pas totalement efficace...

Il y a bien une libre circulation des biens et des capitaux dans l’Union Européenne, mais une faible circulation des services (20 % des échanges alors qu’ils représentent 70 % de la production) et il n’y a quasiment aucune circulation des travailleurs (à peine 2 % de la population européenne est mobile).

En effet, beaucoup de services sont peu ou pas exportables (restauration, coiffure, dépannages, etc.). Le seul moyen de favoriser les échanges de ces services est de favoriser la liberté d’établissement des prestataires.

Les principales raisons d’une faible circulation des travailleurs sont, outre les différences nationales de législations relatives au travail, les obstacles sociaux et culturels. Par exemple, les systèmes de retraite ne sont pas les mêmes dans les différents pays européens, et au niveau culturel, la barrière de la langue reste une barrière importante. Le fait de posséder son logement est aussi un frein à la mobilité européenne voire nationale (en 2020, 64 % des français sont propriétaire de leur résidence principale, et la durée moyenne de revente d'un logement est d'environ un an).

* ... mais il favorise bien la croissance économique européenne

La mise en œuvre du Marché unique a bien des effets positifs sur la croissance économique. Les effets positifs passent essentiellement par le canal du commerce international.

L’ouverture à d’autres marchés permet aux entreprises nationales de produire davantage et de bénéficier d’économies d’échelle, d’effets d’apprentissage. Ces effets leur permettent de réduire leurs coûts de production.

La libre circulation des capitaux permet aux entreprises les plus rentables de se financer à faible coût.

La diminution des coûts et une plus forte concurrence permet la diminution des prix : les ménages voient leur pouvoir d’achat s’accroître et consomment davantage, ce qui fait augmenter la production et donc l’emploi et l’investissement.

En plus des baisses de prix, les consommateurs bénéficient d’une gamme plus large de produits.

Les échanges favorisent aussi la diffusion du progrès technique et donc la croissance économique européenne.

Conclusion : la mise en place d’un marché unique permet une plus forte croissance européenne et une diminution du chômage grâce à une intensification du commerce entre les Etats membres. L’intégration des quatre marchés n’est toutefois pas un processus achevé : il y a assez peu d’échanges de services (20 % des échanges), et les travailleurs sont très peu mobiles (seulement 2 % de la population européenne).