Les politiques conjoncturelles sont des politiques qui concernent les variables économiques à court terme tandis que les politiques structurelles visent à modifier les structures de l’économie et sont donc des politiques qui portent sur l’évolution à long terme de l’économie.
Remarque : cette distinction est pourtant simplificatrice et ne rend pas totalement compte de la complexité des interactions entre les mesures de politiques économiques. Par exemple la construction d’une université peut s’inscrire dans le cadre de la politique de relance (crée de l’activité, de l’emploi...). Mais elle a aussi des conséquences sur le niveau de formation de la main-d’oeuvre : elle accroît le capital humain et favorise la croissance économique sur le long terme. Enfin, elle peut constituer un facteur d’attractivité qui s’insère dans une politique d’aménagement du territoire : les entreprises sont attirées par le niveau de qualification de la région en question.
Définition :Politique conjoncturelle : est une action de l’Etat visant à agir à court terme sur la situation économique en fonction des déséquilibres existants (lors d’une crise économique par exemple).

Pour rappel : la conjoncture économique est considéré comme bonne lors d’une phase d’expansion (le taux de croissance augmente et le chômage diminue). La crise est le moment de retournement de la conjoncture. Après la crise, la conjoncture se dégrade lors d’une période de contraction. La phase de contraction peut correspondre à une phase : ou le taux de croissance diminue (le PIB augmente de moins en moins vite), ou le taux de croissance devient faible (le PIB augmente peu), ou le taux de croissance devient légèrement négatif (le PIB diminue un peu). Dans tous ces cas de figure, on parle de récession. Mais la phase de contraction peut aussi correspondre à une phase où le PIB diminue fortement. On parle alors de dépression. Lors d’une période de contraction, le chômage augmente plus ou moins fortement.
Les deux principales politiques conjoncturelles sont la politique monétaire et la politique budgétaire. Elles permettent de relancer l’activité économique pendant une période de contraction, et à ralentir l’activité économique pendant une période d’expansion trop forte : l’économie est en « surchauffe » (l’offre n’arrive plus à répondre à la demande, ce qui se traduit par une inflation trop forte).
Le rôle de la politique monétaire consiste à fournir les liquidités nécessaires à la croissance de l’économie, tout en garantissant la stabilité de la monnaie (lutte contre l’inflation). Elle est généralement conduite par une banque centrale indépendante du pouvoir politique. Son rôle est de fixer les taux d’intérêts directeurs qui vont servir de base aux banques commerciales (crédit agricole, société générale, LCL, etc.) lorsque celles-ci octroient des crédits aux ménages et aux entreprises (dans le cadre de la politique conventionnelle).
La politique budgétaire consiste à utiliser le budget de l’État pour agir sur la conjoncture. Pour cela, l’État peut creuser son déficit et ainsi augmenter sa dette en période de crise.
Remarque : le déficit représente un déséquilibre sur l’année entre les recettes et les dépenses de l’État : l’État dépense plus que ce qu’il perçoit et doit donc d’endetter.
Pour lutter contre la crise économique et relancer la production, l’Etat peut utiliser une politique monétaire expansive et / ou une politique de relance keynésienne (politique budgétaire).
* la politique monétaire ou la politique budgétaire au secours de la conjoncture ?
La politique monétaire expansive consiste pour la banque centrale à diminuer le taux d’intérêt directeur de manière à encourager la demande de crédit des entreprises et des ménages. Cela entraîne une augmentation de la consommation et de l’investissement (augmentation de la demande globale) et donc une augmentation de l’offre (de la production) pour répondre à cette demande.
Attention toutefois, si l’augmentation de l’offre est insuffisante pour répondre à la demande, les prix risquent d’augmenter fortement : c’est l’inflation.
Ainsi pour lutter contre l’inflation, la banque centrale peut ainsi utiliser une politique monétaire restrictive : elle augmente le taux d’intérêt directeur, ce qui renchérit le coût du crédit et décourage la demande de crédit de la part des ménages et des entreprises. La hausse de la consommation et de l’investissement ralentie ; l’investissement et la consommation peuvent même diminuer : il y a une contraction de la demande. L’augmentation des prix ralentie (processus de désinflation).
il ne faut pas confondre désinflation (ralentissement de la hausse du niveau général des prix) et déflation (diminution du niveau général des prix).
Remarque : lorsque le taux d’intérêt directeur est déjà très bas et que la banque centrale veux conduire une politique monétaire expansionniste, elle pourra appliquer une politique monétaire non conventionnelle (comme le quantitative easing).
La politique de relance keynésienne est conduite par l’État via son budget. Il peut faire augmenter ses dépenses et / ou diminuer ses recettes.
Par ses dépenses : il peut se lancer dans des travaux (exemple : politique de grands travaux : stades, aéroports, barrages, réseaux routiers, etc.) qui permettent de pourvoir des emplois et de verser des revenus. Il peut aussi verser des prestations sociales aux plus démunis (soutien à la consommation), tout cela dans le but de relancer la demande, qui à son tour favoriser l’offre et donc la production.
Par ses recettes : il peut diminuer ses impôts, dans le but d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises, dans le but d’améliorer la consommation et l’investissement (la demande) et donc de favoriser l’offre (la production).
Remarque 1 : lors d’une crise, les dépenses de l’État augmentent (plus d’allocations chômage à verser par exemple) et ses recettes diminuent (moins de revenus à taxer). Il y a donc déjà un déséquilibre entre ses dépenses et ses recettes (déficit) que la politique de relance va encore accentuer. Ainsi en période d’expansion, l’État devra appliquer une politique d’austérité qui devrait permettre de dégager un excédent (pour rembourser la dette), de restaurer la compétitivité (dans le but d’améliorer le solde extérieur) et de lutter contre l’inflation. Ainsi, la politique budgétaire keynésienne est dite contra-cyclique dans le sens où elle va à l’encontre du cycle économique : relance en période de crise, austérité en période d’expansion.
Remarque 2 : les aides versées lors d’une crise (allocation chômage, minimas sociaux, etc.) creusent automatiquement le déficit mais permettent de soutenir la demande : on parle de stabilisateurs automatiques.
Définitions :Politique monétaire : politique conjoncturelle consistant à fournir les liquidités nécessaires au bon fonctionnement et à la croissance de l’économie tout en veillant à la stabilité de la monnaie.
Politique budgétaire : politique conjoncturelle qui consiste à utiliser le budget de l’État pour réguler la conjoncture.
* quelles sont les limites de ces politiques ?
Limites des politiques monétaires expansionnistes :
⇒ si l’offre (la production) ne suit pas, il y a un risque d’inflation ;
⇒ la demande risque de peu augmenter malgré des taux d’intérêts bas car les entreprises n’anticipent pas une augmentation de la demande à long terme et préfèrent ne pas investir (climat des affaires défavorable) ;
⇒ l’épargne risque de ne plus aller aux investissements : les taux d’intérêts étant trop bas, l’épargne devient trop faiblement rémunérée, et les ménages préfèrent ainsi thésauriser leur épargne plutôt que de la placer (trappe à liquidité) ;
⇒ il peut même y avoir des fuites vers d’autres pays (ou zone) où les taux d’intérêts sont plus élevés (fuite de capitaux).
Limites des politiques budgétaires de relance (relance keynésienne) :
⇒ si l’offre (la production) ne suit pas, il y a un risque d’inflation ;
⇒ si les pays partenaires dans les échanges pratiquent eux, une politique d’austérité, la politique de relance risque de leur profiter davantage et entraîne une dégradation du solde commercial du pays qui la pratique (contrainte extérieure, France, 1981) ;
⇒ si le taux d’intérêt est supérieur au taux de croissance, il devient nécessaire d’emprunter toujours plus pour rembourser la dette (effet boule de neige) ;
⇒ les capitaux se détournent de l’investissement privé pour aller financer l’emprunt de l’État (effet d’éviction) ;
⇒ les ménages, qui perçoivent des aides et / ou bénéficient de réduction d’impôts, anticipent des futures hausses d’impôts (pour ré-équilibrer le budget) et préfèrent épargner ces aides plutôt que de les dépenser (équivalence ricardienne) ;
⇒ comme la hausse de la demande entraîne une augmentation des prix (inflation), les ménages préfèrent épargner les aides pour répondre à cette hausse des prix (effets d’encaisses réelles).
Remarque 1 : si les ménages épargnent les aides plutôt que les dépenser, cela veut dire que le multiplicateur keynésien est inférieur à 1. Dans ce cas, la politique de relance est inefficace.
Remarque 2 : il est possible de combiner les effets d’une politique monétaire et d’une politique budgétaire : on parle alors de policy mix. On peut par exemple pratiquer une politique de relance keynésienne avec une politique monétaire restrictive afin de limiter l’inflation qui en résulterait (même si la banque centrale est généralement indépendante du gouvernement et ne poursuit pas d’objectif politique). Mais il faut faire attention à ce que le taux d’intérêt ne soit pas trop élevé de manière à ce que la charge de la dette demeure soutenable.
Remarque 3 : les politiques de «stop and go» consistent à alterner les phases de stimulation de l’économie pour atteindre des objectifs de croissance et d’emploi et des phases de restriction ou de rigueur lorsque les objectifs sont atteints afin de ne pas menacer la stabilité de la monnaie.
* quels sont les règles spécifiques à l'Union Européenne ?
La politique monétaire est commune pour les pays de la zone euro et elle conduite par une autorité monétaire unique : la banque centrale européenne (BCE). Son objectif principal est le maintien de la stabilité des prix. Elle lutte donc contre l’inflation (la hausse généralisée des prix) et la déflation (baisse généralisée des prix). Son objectif est un taux d’inflation inférieur à mais proche de 2 % (la cible).
Remarque : la forte inflation, toute récente (2022), a poussé la BCE à amender un peu son objectif.
La politique monétaire est unique et elle risque de s’appliquer sur des pays qui sont dans des situations différentes. Si elle arrange la situation de certains pays, elle risque de dégrader la situation des autres pays.
De plus, on reproche souvent à la BCE de ne pas poursuivre d'objectif de croissance (et de diminution du chômage) et de seulement poursuivre un objectif de stabilité de la monnaie. Ce n'est pas le cas de la FED (banque centrale des Etats-Unis d'Amérique) par exemple.
Dans la zone euro, les politiques budgétaires sont nationales (contrairement à la politique monétaire européenne qui est unique), c’est-à-dire, que ce sont les différents pays membres de la zone qui décident de leur propre politique budgétaire.
Cependant, ces politiques budgétaires sont contraintes par les traités européens : PSC (Pacte de Stabilité et de Croissance) et TSCG (Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance).
Les pays de la zone euro doivent, en matière budgétaire, avoir un déficit public ne dépassant pas 3 % du PIB, une dette publique ne dépassant pas 60 % du PIB.
Si un pays accuse un déficit supérieur à 3 % de son PIB ou une dette supérieure à 60 % de son PIB, une procédure pour déficit excessif peut être engagée à son encontre et aboutir à une sanction. Le pays en question risque une amende pouvant atteindre jusqu’à 0,5 % de son PIB.
Depuis le 26 juillet 2024, la France est en procédure de déficit excessif. Le déficit public de la France est de 5,8 % du PIB en 2024. La dette publique (donc le cumul des emprunts contractés au fil des années) s’élève quant à elle , à 109,8 % du PIB en 2023. Sept autres Etats membres sont également concernés par une procédure de déficit excessif : l'Italie, la Hongrie, la Pologne, Malte, la Slovaquie, la Belgique et la Roumanie (depuis 2020 pour cette dernière).
Eléments d'actualisation : la Commission européenne considère que les procédures visant l'Italie, la Slovaquie, la Hongrie, la Pologne, la France et Malte peuvent être suspendues. Ceci étant dit, la France doit se préparer à adopter de nouvelles mesures en cas de légères déviations », a déclaré le commissaire à l'Économie, Valdis Dombrovskis, ce mercredi 4 juin 2025.
Remarque : le pacte de stabilité prévoit que dans des circonstances exceptionnelles (comme la crise des subpimes de 2008), les pays membres peuvent appliquer des politiques de relance et échapper à la procédure pour déficit excessif. La crise du coronavirus a conduit la Commission européenne à déclencher, pour la première fois dans l’histoire du Pacte de Stabilité et de Croissance, une « clause dérogatoire générale » (ce ne sont alors plus seulement les sanctions qui sont suspendues mais les règles elles-mêmes). Après avoir été suspendues près de quatre ans, les règles budgétaires de l’Union européenne s’appliquent de nouveau en 2024.
* comment la zone euro peut-elle faire face à un choc asymétrique ?
Définition :Un choc asymétrique : est un changement brutal dans l’offre (choc d’offre) ou la demande (choc de demande) de certains produits qui touche les pays de manière différente : certains pays entrent en récession alors que d’autres sont épargnés ou entrent en expansion.
Par exemple, une chute du tourisme au niveau mondial aura un effet récessif particulièrement important dans les pays pour lesquels le tourisme représente une part élevée de leur PIB (France, Espagne, etc.) et n’aura que peu d’impact pour les pays pour lesquels le tourisme représente un faible part dans le PIB (exemple : Slovénie).
L’ajustement par le taux de change est devenu impossible dans la zone euro. Mais on recense trois autres mécanismes permettant d’absorber les chocs asymétriques :
- l’intégration financière : permet aux agents économiques des différents pays de s’assurer contre les risques de pertes de revenus liés à un choc asymétrique : ce qui correspond à un transfert de capital des pays non touchés aux pays touchés par des chocs asymétriques ;
- la présence d’un budget fédéral : un pays touché par un choc négatif voit son revenu soutenu par des transferts fédéraux ;
- la mobilité du travail : les travailleurs dans la région touchée par le choc négatif migrent vers des régions épargnées de la zone monétaire.
De récents travaux de la BCE montrent que les mécanismes assurantiels offerts par les marchés financiers au sein de la zone euro demeurent insuffisants en comparaison par exemple de ceux observés aux États-Unis. Il n’existe pas, à proprement parlé de budget fédéral et la main d’oeuvre est très peu mobile (moins de 2 % de la population active européenne).
La zone euro s’est construite sans qu’on la dote d’institutions lui permettant de faire face à des chocs asymétriques (c’est une zone monétaire sous-optimale). Cela fait dire à certains économistes, comme J. Stiglitz (Nobel économie 2001) que la zone euro se situe au milieu du gué : ainsi il est nécessaire d’aller plus loin dans la construction européenne (fédéralistes) ou de revenir à plus de souveraineté (souverainistes). Rester au milieu présente un risque que « le niveau de la rivière monte » (choc asymétrique) et qu’elle n’emporte les pays de la zone euro (crise économique).
Conclusion : pour éviter l’explosion de la zone euro, il est nécessaire de coordonner les politiques conjoncturelles. Mais cela peut s’avérer difficile car les pays membres peuvent se trouver dans des situations différentes. Ainsi on oppose souvent les pays du Nord de l’Europe (dont l’Allemagne), appelés aussi «pays frugaux» qui sont pour une rigueur budgétaire et une dette publique maîtrisée, aux pays du Sud de l’Europe (dont la France) que l’on accuse de laxisme budgétaire.