Quelles sont les sources de la croissance économique ?


1 – comment les facteurs de production permettent-ils d’obtenir de la croissance économique ?

Pour produire une organisation productive (entreprise, administration, etc.) a besoin de facteurs de production qu’elle va combiner, c’est-à-dire mélanger selon des proportions qu’elle déterminera en fonction de ses objectifs et de ses besoins.

Les facteurs de production sont des moyens mis en œuvre de façon durable pour produire.

On en distingue usuellement deux : le travail et le capital.

Le travail est une activité humaine rémunérée, légale et déclarée qui contribue à la production.

Le capital représente le stock de biens d’équipements dont dispose une organisation productive (bâtiments, machines, outillage, matériels de transport, etc.). Mais si l’on se place à l’échelle d’une nation, au niveau macro-économique, il ne faut pas oublier les infrastructures dont dispose l’économie (routes, ponts, ports, etc.).

Enfin, il ne faut pas confondre les biens d’équipement qui sont durables (durée supérieure à un an) et les consommations intermédiaires (ou biens intermédiaires) qui ne sont pas durables et qui ne sont donc pas des facteurs de production. Ainsi, dans une boulangerie, le four sera considéré comme un facteur de production (capital) alors que la farine ne le sera pas.

image boulanger

La croissance économique nécessite d’utiliser davantage de facteurs de production : si on utilise plus de travailleurs et plus de machines, on peut produire davantage, or davantage de production signifie croissance économique.

Donc la croissance économique résulte d’une hausse de la quantité de travail, c'est-à-dire :
• d’une augmentation de la population active ( personnes occupant un emploi ou à la recherche d’un emploi ) par l'immigration et/ou la natalité
• d'une augmentation du nombre d'heures travaillées
• d'une augmentation du nombre de personnes qui travaillent dans une économie (augmentation du taux d'emploi des femmes, des jeunes, des séniors, etc.)

La croissance économique résulte aussi d’une hausse du facteur capital, donc d'une hausse du stock de capital. La hausse des investissements et ainsi l'accumulation du capital sont donc source de croissance.


photo de SolowUn troisième facteur : le progrès technique ?

L’économiste américain Robert Solow (1956) a montré que la hausse des quantités de travail et de capital ne suffisait pas à expliquer la croissance économique et qu’il existait un «résidu» dont l’explication se trouvait dans la hausse de la productivité globale des facteurs permise par le progrès technique.
Grâce à l’accumulation du capital principalement (investissements dans de nouvelles machines plus performantes, par exemple), les productivités s’accroissent, mais ce sont bien les innovations et les progrès techniques qui permettent cette hausse.


Le progrès technique est donc une des sources essentielles de la croissance économique lorsqu’il est incorporé aux nouveaux investissements des entreprises.


Croissance annuelle moyenne en volume 1985 – 2008 en pourcentage

tableau résidu se Solow

Source : OCDE.

¹ : en point de pourcentage.

Ainsi la croissance économique est égale à la somme des différentes contributions plus le résidu (ce qu’il manque).
Et pour obtenir le résidu, il faut soustraire à la croissance économique les différentes contributions.

Par exemple pour la France :
1,75 = 0,04 + 0,55 + résidu
Soit :
résidu = 1,75 – 0,04 – 0,55 = 1,16

Attention, la contribution peut être négative, il ne faut pas se tromper dans les signes.
Exemple pour l’Allemagne :
résidu = 1,5 - (-0,17) -0,6 = 1,07

On obtient donc le tableau suivant :


Croissance annuelle moyenne en volume 1985 – 2008 en pourcentage

tableau résidu se Solow

Source : OCDE.

Comme pour la contribution des facteurs de production, le résidu s’exprime en point de pourcentage.

Remarque : la contribution négative du facteur travail pour l'Allemagne et le Japon s'explique en grande partie par le faible dynamisme démographique et le vieillissement de la population de ces pays. Dans ce cas là, non seulement le facteur travail ne contribue pas à une augmentation de la production mais il joue en plus un effet défavorable sur la croissance.

Ainsi, entre 1985 et 2008, le PIB de la France a augmenté de 1,75% en moyenne par an (environ de 50% sur toute la durée). 0,04 point de pourcentage s'explique par l'augmentation du facteur capital, 0,55 point de pourcentage s'explique par l'augmentation du facteur capital et 1,16 points de pourcentage s’expliquent par une meilleure utilisation de ces facteurs de production. C’est ce qu’on appelle le résidu de Solow.
Si la production devient plus efficace, cela veut dire que la productivité augmente (la productivité des deux facteurs de production) : on parle alors de productivité globale des facteurs.

Définition :
Productivité globale des facteurs : mesure l'efficacité des facteurs de production dans la production. Désigne le rapport entre le volume de production obtenue et l’ensemble des facteurs de production utilisés à ces fins.

66,29% de la croissance (les 2/3) s’explique par une meilleure utilisation des facteurs de production (par une augmentation de la productivité). On dit que la croissance est intensive.

calcul de la part du résidu

Remarque : il ne faut pas confondre pourcentage et point de pourcentage : on peut dire que 1,16 points de pourcentage de la croissance économique s’explique par une augmentation de la productivité ou que 66,29 % de la croissance économique s’explique par une augmentation de la productivité.

À savoir : la croissance est dite intensive lorsqu’elle résulte davantage d’une utilisation plus efficace des facteurs de production et extensive lorsqu’elle résulte davantage de l’augmentation de la quantité de facteurs de production. Aucune croissance n’est totalement intensive ou extensive.

Le progrès technique accroît la productivité globale des facteurs, cela veut dire que l’on arrive à produire plus, avec la même quantité de facteur de production (on produit de manière plus efficace). Or produire plus, c’est de la croissance économique.

Définitions :
Progrès technique : ensemble des innovations et des améliorations techniques qui permettent d’accroître la productivité.

Innovation : application d’une invention, d’une découverte, ou d’une idée nouvelle dans le domaine économique.

Remarque : le progrès technique est donc le résultat d’innovations qui viennent accroître le productivité
.

Le progrès technique est incorporé dans l’investissement.

A la fin du XVIIIè siècle (au début de la révolution industrielle), on assiste à une accélération du progrès technique.
Les exemples ne manquent pas : machine à vapeur, électricité, moteur à réaction, moteur à explosion, microprocesseur, organisation scientifique du travail (taylorisme)… et plus récemment : internet, smartphone, écran tactile, objets connectés, etc.

Remarque : comme il est possible pour les pays émergents de copier le progrès technique déjà existant, ils peuvent ainsi bénéficier d’une croissance économique très élevée (comme pour les BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine). C’est ce que les économistes appellent l’effet rattrapage.


photo de Robert Solow
Pour Robert Solow, le progrès technique agit comme un troisième facteur. Mais il considère que ce dernier est exogène car il dépend de découvertes réalisées en dehors de la sphère économique. Donc on ne peut pas agir sur ce progrès technique afin de favoriser la croissance économique.


photo de Robert Gordon
Pour Robert Gordon le faible niveau de croissance des pays développés serait du à une panne de l’innovation. Cela ne veut pas dire qu’il y a moins d’innovations, mais que leurs bénéfices sur l’économie sont moins importants.

J. A. Schumpeter et le processus de Destruction Créatrice


photo de Robert Solow

Dans un ouvrage intitulé «Théorie de l'évolution économique», en 1912, J. A. Schumpeter montre que le capitalisme est de nature dynamique et non statique. Il est continuellement en mouvement car il y a toujours des entreprises à la recherche d’une innovation qui leur procurerait un avantage temporaire sur la concurrence.
Pour lui, la fonction de l’entrepreneur est de rompre avec les méthodes de production routinières en innovant.


Joseph Schumpeter distingue cinq types d’innovations :

- les innovations de produit («les nouveaux objets de consommation») : exemple : le smartphone

- les innovations de procédé («les nouvelles méthodes de production et de transport») : exemples : le convoyeur (fordisme, travail à la chaîne), le conteneur (ou container)

- les innovations de débouchés («les nouveaux marchés») : exemple : le commerce en ligne (ou e commerce)

- les innovations organisationnelles («nouveaux types d’organisation industrielle») : exemple : le travail collaboratif.

- les innovations d’énergie ou de matières premières (de nouvelles sources d’énergie ou de matière première), par exemple : électricité, charbon, pétrole, etc.

Pour Schumpeter, les innovations majeures ou innovations de rupture (électricité, machine à vapeur, moteur à explosion, etc.) donnent lieu à une série d’innovations mineures. Il parle de grappes d'innovations pour caractériser cette vague d’innovations.

Lors de la diffusion de ces innovations, les entreprises routinières disparaissent : il y a donc une destruction de l’activité et de l’emploi (destruction).

Mais en même temps, les entreprises qui innovent ou qui utilisent ces innovations sont en pleine expansion et créent de l’activité et de l’emploi (création).

Il s’agit du processus de destruction créatrice.

Dans un premier temps, les créations sont plus importantes que les destructions : il y a donc croissance économique.

Mais lorsque les innovations se sont diffusées dans l’économie, les créations deviennent moins importantes, et la croissance ralentie, et le PIB peut même diminuer, jusqu’à la prochaine innovation majeure.

La croissance économique n’est donc pas linéaire et pour schumpeter, les crises sont nécessaires puisque ce sont elles qui vont pousser l’entrepreneur à innover.

Définition :
Processus de destruction créatrice : processus continuellement à l'œuvre dans les économies lié aux innovations et qui voit se produire de façon simultanée la disparition de secteurs d'activité économique et la création de nouvelles activités économiques
.

2 – quels sont les facteurs endogènes de la croissance économique ?

Dans le modèle proposé par Robert Solow dans les années 1950, le progrès technique est exogène, un peu comme tombé du ciel. Les découvertes se font dans le monde des scientifiques, monde déconnecté de la sphère économique.

Dans les théories de la croissance endogène développées dans les années 1980, les richesses dégagées par la croissance économique peuvent être utilisées pour générer du progrès technique, par exemple grâce à de l’investissement dans la Recherche et le Développement, qui va à son tour provoquer de la croissance économique, et ainsi de suite.

Le progrès technique est donc endogène (ce sont les acteurs économiques, et notamment l’État, qui par leurs décisions vont générer du progrès technique).

Ainsi la croissance est :

- auto-entretenue (c’est la croissance qui génère de la croissance)
- cumulative (plus il y a d’accumulation de la technologie, plus il est possible d’en générer de nouvelles et de la croissance)
- infinie (pas de raison de tendre vers un état stationnaire).


photo de Paul Romer

Paul Romer (prix Nobel 2018) est à l’origine en 1986 des théories de la croissance endogène et du mécanisme que nous venons de décrire. Pour lui, la croissance économique permet de dégager plus de richesses qui vont pouvoir être utilisées en investissements dans la Recherche et le Développement (R&D), qui vont à leur tour générer de l’innovation et du progrès technique et ainsi favoriser la croissance économique, et ainsi de suite.  


Les théories de la croissance endogène permettent de distinguer quatre types de capitaux. Parmis ces capitaux, on retrouve le traditionnel capital technique : l’investissement permet d’accroître les capacités de production.

On peut lui associer le capital technologique : l’investissement incorpore dans ce cas du progrès technique et il accroît la productivité. Le capital technologique est principalement le résultat de la Recherche et Développement (R&D) (Paul Romer).


photo de Robert Lucas
Robert Lucas (prix Nobel 1995), autre théoricien de la croissance endogène met en avant l’accumulation du capital humain, c’est-à dire le stock de compétences valorisable économiquement, intégrées par les individus. La croissance va permettre de dégager plus de recettes pour l’Etat qui seront utilisées pour financer l'enseignement, qui permettra aux salariés d'augmenter leur capital humain (comme une sorte d'investissement) et par là, de devenir plus productif, ce qui favorisera la croissance en retour. De plus, l'augmentation du capital humain stimule les innovations, qui sont elles aussi sources de croissance.


photo de Robert Barro

Pour Robert Barro, la croissance économique permet d’augmenter les recettes de l’État. Le niveau des dépenses publiques, et notamment des investissements publiques (infrastructures, écoles, hôpitaux…) va donc pouvoir augmenter et générer de la croissance économique en retour. Le capital public est donc source de croissance économique.


image nain sur épaule de géant
Une externalité positive ou effet externe positif est une conséquence positive d’une activité économique qui n’est pas prise en compte par le marché.

Les entreprises peuvent bénéficier de salariés éduqués et en bonne santé, donc plus productifs. Mais cela est, en quelque sorte, pris en compte par le marché puisque les entreprises ont des coûts supplémentaires (les impôts et les cotisations sociales) qui financent l’éducation et la santé. De même que les nouvelles infrastructures ou que certaines innovations dues à l’investissement public en recherche fondamentale, qui sont financées elles-aussi par les impôts.

Toutefois, un haut niveau de connaissances (forte dotation en capital humain et /ou technologique) favorisera les innovations, sans que l’on ait à payer pour cela. L’image que l’on peut prendre est la suivante : nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants (en latin : nani gigantum humeris insidentes). Cela veut dire que toute nouvelle avancée se fait à partir de connaissances antérieures déjà conséquentes. Et l’accès aux connaissances antérieures se fait sans coût (ou à faible coût).

De même pour le capital public : les entreprises peuvent avoir accès aux infrastructures déjà existantes (comme les routes) à faible coût.

Les fortes dotations en capital technologique, humain et public, génèrent des externalités positives, qui favorisent la croissance économique.


Les théories de la croissance endogène réhabilite le rôle de l'Etat. En effet, l’État permet l’accroissement du capital humain en favorisant l’éducation. L’État développe les infrastructures du pays et accroît ainsi le capital public. L’État favorise aussi le capital technologique grâce à la recherche fondamentale. Il peut encourager les investissement en R&D des investisseurs privés grâce au crédit impôt recherche ou à d’autres dispositifs.


Définition :
Croissance endogène : théorie explicative de la croissance, développée dans les années 1980, montrant le rôle des politiques publiques structurelles avec la création d’externalités positives (recherche et développement, infrastructures publiques, formation)
.

Synthèse :

Ainsi deux facteurs de productions vont favoriser la croissance dite extensive : le travail et le capital technique.

Et selon les théories de la croissance endogène, trois autres types de capitaux vont favoriser la croissance dite intensive en rendant plus efficace les deux premiers facteurs de production (augmentation de la PGF) :

tableau de synthèse


3 - Comment les institutions peuvent-elles être source de croissance économique ?

Certaines sociétés sont dotées de bonnes institutions qui encouragent l'investissement dans l'équipement, le capital humain et les technologies performantes et, en conséquence, elles prospèrent d'un point de vue économique.

Que se passe-t-il lorsque les institutions jouent mal leurs rôles ?

Dans les pays en guerre, instables politiquement, ou encore fortement gangrenés par la corruption, le cadre institutionnel devient un frein au développement économique.

C’est le cas aussi de pays où l’activité économique est monopolisée par une minorité au pouvoir qui détourne les richesses à son profit et qui empêche l’existence d’un marché concurrentiel.

Certains environnements institutionnels sont donc défavorables à la croissance économique alors que d'autres non.

photo Martin SubramanianOn appelle malédiction des ressources naturelles (resource curse) ou maladie hollandaise le fait que des pays fortement dotés en ressources naturelles (gaz, pétrole, autres minéraux etc.) connaissent une croissance moins élevée que des pays moins «riches» en ressources (pays-bas dans les années 1960, Algérie, Angola, Congo, Nigeria, etc.). Xavier Sala - i – Martin et Arvind Subramanian montrent que la malédiction des ressources naturelles est due à leurs effets sur les institutions politiques du pays. L'abondance de ressources naturelles crée des conditions propices à la corruption et aux gaspillages. Ce sont ces dernières qui causent un effet négatif sur la croissance et non pas les ressources naturelles en tant que telles.

Si dans une économie, les acteurs se font systématiquement voler le fruit de leurs investissements, que risque-t-il de se passer ?

Les acteurs risquent de ne plus avoir confiance dans le système et d'être désinciter à investir.

Ou alors ils risquent de chercher un moyen de se prémunir contre le vol, mais cela a un coût. Dans les deux cas, la croissance économique risque d'être moins importante.

Ainsi, les institutions, en préservant les droits de propriété et en garantissant le respect des contrats, favorisent la croissance économique.

Définition :
Institution : ensemble de valeurs, de normes et de pratiques communes à un certain nombre d'individus qui organisent et structurent de façon stable leurs relations
.

photo de Douglass North

Les institutions ne sont donc pas seulement des organisations. Pour D. North (Nobel économie 1993), elles constituent les règles du jeu qui façonnent les performances de l'économie. Elles constituent un cadre contraignant à l'intérieur duquel les individus et les groupes interagissent.


L’économie d’aujourd’hui est en partie fondée sur l’innovation et la création artistique. Les droits de propriété doivent donc inclure la propriété intellectuelle.

La propriété intellectuelle est l’ensemble des droits exclusifs accordés aux créateurs de créations intellectuels.

Elle comporte :

- la propriété littéraire et artistique, notamment les droits d’auteur
- la propriété industrielle notamment les créations utilitaires (brevets d’invention) et les signes distinctifs (marque commerciale, nom de domaine, etc.)

En quoi cela favorise-t-il la croissance économique ?

L’investissement dans la Recherche et Développement représente un coût pour les entreprises, mais celles-ci espèrent réaliser des gains grâce à leurs innovations.

Cela est possible seulement si l’on empêche les autres entreprises de copier ces innovations grâce à un brevet qui confère à son titulaire :

- un monopole d’exploitation sur l’invention breveté
- un droit d’interdire à autrui de reproduire son invention sans son autorisation.

Le titulaire de l’invention en a ainsi l’exclusivité et peut en retirer des revenus : c’est ce qui l’incite à innover.

Ainsi les institutions (notamment les droits de propriété intellectuelle) permettent la croissance économique en favorisant l’incitation à investir et à innover.