Quels sont les facteurs qui structurent et hiérarchisent l’espace social ?

1 – des facteurs liés à la position sociale :

image des professionsAprès la Seconde Guerre mondiale, l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (Insee) élabore un outil : le code des catégories socioprofessionnelles appelé aujourd'hui nomenclature des PCS (professions et catégories socioprofessionnelles).
L'objectif de L'Insee est de classer l'ensemble de la population en un nombre restreint de catégories présentant chacune une certaine homogénéité sociale, la profession étant considérée comme un critère fondamentale.


image des PCS
On distingue six grandes catégories socioprofessionnelles (ou groupes socioprofessionnels) qui permettent de classer la population active (actifs occupés ainsi que les chômeurs qui sont classés dans la dernière catégorie qu’ils ont occupé).
Il existe aussi deux autres catégories pour classer les inactifs, c’est-à-dire les individus en âge de travailler qui n’occupent pas d’emploi et qui n’en recherche pas (hommes / femmes au foyer, lycéens / étudiants, retraités, etc.) : les retraités et les autres inactifs.


Définition :
Catégorie socioprofessionnelle  : groupe présentant une certaine homogénéité sociale selon un ensemble de critères définis par l'Insee, celui de la profession étant considérée comme fondamentale.


image de la pyramideLa nomenclature des PCS, en constituant des groupes homogènes, permet en partie de rendre compte de la hiérarchie sociale : certains comme les cadres et professions intellectuelles supérieures ont une position sociale élevée et se trouvent au sommet de la hiérarchie, d’autres comme les ouvriers et les employés ont une position sociale faible et se trouvent au bas de la pyramide (les employés s’occupent de tâches plutôt non manuelles alors que les ouvriers s’occupent de tâches plutôt manuelles). Enfin, les professions intermédiaires ont une position intermédiaire entre les personnels d’exécution (ouvriers et employés) et les personnels dirigeants (cadres et professions intellectuelles supérieures) : dans l’entreprise, ce sont des responsables («managers»).
Cette représentation pyramidale se fait essentiellement pour les catégories salariées. Pour les indépendants (artisans, commerçants et chefs d’entreprises et agriculteurs exploitants) qui travaillent à leur compte, la taille de l’entreprise ou de l’exploitation agricole rend compte de positions sociales très diverses. C’est pourquoi les indépendants ne sont pas intégrés dans la pyramide.


Définition :
hiérarchie sociale : idée selon laquelle la société est structurée en un certain nombre de groupes sociaux occupants des positions sociales plus ou moins élevées les uns par rapport aux autres selon un certain nombre de critères.

Niveau de diplôme selon la catégorie socioprofessionnelle, en France en 2014


D'après l'INSEE, 2014.

Comme le montre le tableau ci-dessus, ce qui détermine la place dans la hiérarchie de l’entreprise et ainsi la position sociale dans la société est souvent le niveau de diplôme. Ainsi les cadres et professions intellectuelles ont généralement un niveau de diplôme élevé (68 % des cadres ont un diplôme supérieur à bac +2), les professions intermédiaires ont un niveau de diplôme moyen (32 % des professions intermédiaires ont l’équivalent d’un bac +2), et les employés et les ouvriers ont un niveau de diplôme plutôt faible (équivalent au baccalauréat ou moins).


image inégalité ouvriers cadresÀ savoir : il ne faut pas confondre la position sociale et la place dans la hiérarchie de l’entreprise, bien que les deux soient liées. Une position sociale plus élevée donne accès à des avantages et peut être source d’inégalités : les cadres ont ainsi une place dans la hiérarchie de l’entreprise plus élevée que les ouvriers, mais ont aussi : une espérance de vie plus longue (plus de six ans), un meilleur accès à la culture (lecture, théâtre, etc.), une pratique de loisirs plus importante (vacances, restaurants, etc.). Ils sont moins touchés par des maladies chroniques (diabètes, maladies cardiovasculaires, etc.), vivent plus heureux (moins de dépressions, moins de suicides, etc.), sont moins touchés par des maladies infectieuses comme la covid 19, etc.


image prof et patron de SanofiL’INSEE tient compte dans ses critères de classification du niveau de qualification (niveau de diplôme) et de la place dans la hiérarchie de l’entreprise, mais pas du revenu.Toutefois les écarts de revenus entre les individus appartenant à la catégories des cadres peuvent être gigantesques, préjugeant de modes de vie totalement différents : on parle d’écarts intra – catégoriels. Ainsi un enseignant du secondaire, dont la rémunération brut annuelle peut s’élever à 30000 euros, sera classé dans la même catégorie qu’Olivier Brandicourt, dont le total de la rémunération brut et des stock – options s’élève à environ 9,8 millions d’euros en 2017 (soit 326 fois plus). Une approche en terme de revenus peut donc parfois s’avérer plus pertinente.


Conclusion : la catégorie sociale, le diplôme et le revenu sont des facteurs qui hiérarchisent et structurent l’espace social de la société française actuelle. Mais il existe aussi d’autres facteurs.


2 – d’autres facteurs structurent et hiérarchisent l’espace social :

image d'une flècheIl existe des inégalités entre les hommes et les femmes dans des domaines sociaux très variés : culture, sport, vie professionnelle, vie familiale, politique, etc. "Ces inégalités sont essentiellement des inégalités en faveur des hommes et en défaveur des femmes.


image ménageLa répartition des tâches ménagères se fait encore aujourd’hui de manière inégalitaire : les femmes consacrent en moyenne plus d’une heure par jour de plus que les hommes à l’accomplissement des tâches domestiques : on parle de double emplois du temps des femmes car elles cumulent travail professionnel et tâches domestiques.


image salaire écart hommes femmesAu niveau professionnel, les femmes perçoivent des revenus inférieurs en moyenne de 24% à ceux des hommes. Mais les femmes travaillent plus souvent que les hommes à temps partiel (ce que l’on peut considérer comme un autre type d’inégalités lorsqu’il s’agit de temps partiel involontaire). Ainsi à conditions équivalentes les femmes perçoivent des revenus inférieurs en moyenne de 10% à celui des hommes.


image esperance écart hommes femmes
Les femmes et les hommes ne sont pas égaux face à la mort : les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes. Ainsi en 2009 – 2013, une femme cadre âgée de 35 ans vit en moyenne 3 ans de plus qu’un homme cadre âgé de 35 ans, une femme ouvrière âgée de 35 ans vit en moyenne 7 ans de plus qu’un homme ouvrier âgé de 35 ans.


Il existe d’autres inégalités en faveur des femmes : 96,3% des personnes en prison en France au premier janvier 2018 sont des hommes et 3,7% sont des femmes. Lors d’une séparation, la garde des enfants en bas âge par le juge est plus souvent attribuée aux femmes qu’aux hommes.
Malgré quelques contre-exemples, les inégalités sont essentiellement des inégalités en faveur des hommes et en défaveur des femmes.


image socialisation différenciéeLe processus à l'origine de ces inégalité est la socialisation : celle-ci n’est pas la même en fonction des garçons et des filles : on parle de socialisation différenciée selon le sexe.

De manière assez caricaturale, les instances de socialisation (famille, médias, pairs, école,etc.) orientent le comportement des filles de manière à ce qu’elles soient plus dociles, plus enclines à la réalisation de tâches domestiques, plus respectueuses de leur santé, etc. Elles orientent le comportement des garçons de manières à ce qu’ils soient plus compétiteurs, moins respectueux des règles, à ce qu’ils adoptent des comportements plus à risque, etc. Tout cela concourt à expliquer les différentes inégalités que nous avons mis en évidence.

image d'une flècheIl existe des inégalités de revenus et de patrimoines liées à l’âge des individus.

image cycleDans sa théorie du cycle de vie Franco Modigliani (Nobel d’économie 1985) distingue trois périodes dans la vie d’un individu : la jeunesse, la période d’activité, la retraite. Pendant sa jeunesse, l’individu consomme, mais ses revenus sont faibles : il s’endette : on dit qu’il désépargne ou encore que son patrimoine est négatif. Pendant sa période d’activité, l’individu consomme mais ses revenus augmentent, ses dettes diminuent dans un premier temps, puis son patrimoine augmente grâce à son épargne. Héritages et donations peuvent aussi accroître son patrimoine, même si l’on hérite de plus en plus tard (accroissement de l’espérance de vie). Enfin, à la retraite, ses revenus diminuent et l’individu doit puiser dans son patrimoine pour pouvoir maintenir sa consommation. Son patrimoine peut aussi diminuer du fait de donations à ses ayants-droits.

Cette théorie se vérifie dans les faits puisqu’en 2015 les ménages dont la personne de référence a 65 ans ou plus ont en moyenne un patrimoine brut de 304 900 euros, contre 266 600 euros pour ceux dont la personne de référence a entre 25 et 64 ans.

La jeunesse est fortement touchée par le chômage et la précarité et connaît un taux de pauvreté élevé en France. Elle est très peu ciblée au niveau des politiques sociales car l’on a tendance à considérer qu’elle bénéficie d’aides au niveau familial. Or, face à cette solidarité intra-familiale, la situation des jeunes est très contrastée.


image d'une flècheIl existe des inégalités en fonction de la composition du ménage.

image ménageUn ménage représente un ou plusieurs individus vivant sous le même toit ayant ou non un lien de parenté. Le revenu disponible est le revenu qu’il reste aux ménages pour pouvoir consommer et épargner après paiement des impôts et des cotisations sociales et réception des revenus de transfert (dont notamment les allocations familiales). La composition des ménages jouent sur les revenus car les enfants génèrent des dépenses. Ainsi, en présence d’enfants, il faut des revenus disponibles plus importants pour pouvoir les élever (parfois des aides y contribuent), pour pouvoir sortir de la pauvreté, ou pour faire partie des ménages les plus riches.


image d'une flècheIl existe des inégalités en fonction de du lieu de résidence.

image quartiersEn effet, les catégories aisées privilégient les espaces urbains riches en ressources souvent proches des centres ville : «bonnes» écoles, transports, équipements culturels et sportifs, sécurité, espaces verts, commerces, etc. Le prix des logements dans ces secteurs très demandés augmente donc, excluant ainsi les catégories les moins aisées qui se déplacent vers la périphérie des villes, vers des espaces moins riches, voir pauvres en ressources.
De plus, les jeunes qui viennent de ces «mauvaises» écoles risquent à leur tour d’être rejeter lorsqu’il recherche un emploi. Il y a ainsi une forme de ségrégation spatiale, qui peut aller jusqu’à la discrimination d’individus à l’embauche du fait de leur lieu de résidence.

Conclusion : la catégorie sociale, le diplôme, le revenu, la composition du ménage, la position dans le cycle de vie, le sexe, le lieu de résidence sont des facteurs qui hiérarchisent et structurent l’espace social de la société française actuelle.

à savoir : dans l’espace social, c’est-à-dire la représentation que l’on se fait de la «société», les individus ou groupes d’individus se différencient selon certains critères et certains ont plus d’avantages que d’autres (revenus, prestiges, etc.) ou plus de pouvoirs (hommes, cadres, etc.). Il existe ainsi une certaine «hiérarchie sociale». On parle alors d’inégalités, c’est-à-dire, de différences considérées comme injustes ou illégitimes.