Comment définir et mesurer les inégalités ?

1 – quelles sont les deux principaux types d’inégalités ?

Une différence devient une inégalité si on peut hiérarchiser les différentes situations qui résultent de ces inégalités.

ferrari et twingo rougesPar exemple, posséder une Ferrari est socialement plus valorisé que posséder une petite voiture. Il y a donc une inégalité entre ceux qui ont les moyens de s’offrir une Ferrari et ceux qui n’en ont pas les moyens. De plus, il faut que l’accès à cette ressource soit considérée comme injuste ou illégitime.

fiat jaune et twingo rouge
En revanche, posséder une voiture rouge ou jaune n’est pas une inégalité, mais une différence : il n’y a pas d’inégalité entre ceux qui ont une voiture rouge et ceux qui ont une voiture jaune mais seulement une différence de goût.


Définition :
Inégalité : différences entre des individus ou des groupes sociaux qui sont socialement perçues comme injustes ou illégitimes.

On distingue usuellement deux types d’inégalités : les inégalités économiques et les inégalités sociales.

Revenus et patrimoine

Les inégalités économiques traduisent un partage inégalitaire des richesses et correspondent à toutes les différences de revenus et de patrimoine entre individus ou entre groupes sociaux.


Discrimination

Les inégalités sociales portent sur la possession de biens, matériels ou non, (un diplôme par exemple), de certaines caractéristiques (couleur de peau, par exemple) qui entraînent des privilèges ou des discriminations.


Les inégalités sont multiples et peuvent prendre des formes très différentes : on dit qu’elles sont multiformes.

Inégalités salaires hommes femmes

Par exemple, le salaire mensuel net moyen des femmes en France est, selon l'INSEE, de 16,8% inférieur à celui des hommes.


Image obésité
Dès l’âge de 10 ans, les enfants des catégories populaires (ouvriers, employés) ont deux fois plus de risque d’être en surpoids et jusqu’à quatre fois plus de probabilité de souffrir d’obésité que les enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures.( d’après la direction statistique du ministère de la santé : Drees).


Image riches pauvres et espérance de vie
Les individus les plus riches (les 5 % les plus aisés qui disposent en moyenne de 5800 euros par mois) vivent en moyenne 13 ans de plus que les plus pauvres (les 5 % les moins aisés qui disposent en moyenne de 470 euros).


Conclusion : les inégalité sociales sont donc très diverses et difficilement mesurables. On retrouve des inégalités face aux diplômes, face à la mort, face à la maladie, face aux accidents, face à la culture, etc.


Les inégalités ont tendances à se renforcer mutuellement : on dit qu’elles sont cumulatives.

Inégalités revenus et patrimoine
Par exemple, un individu qui aura de faibles revenus ne pourra pas épargner pour accumuler du patrimoine : il aura donc une probabilité forte d’avoir un faible patrimoine. Mais un individus qui aura des revenus élevés pourra accumuler du patrimoine qui lui permettra d’augmenter ses revenus (loyers, dividendes, intérêts perçus) et d’accumuler encore plus de patrimoine, et ainsi de suite.


2 – comment mesurer les inégalités économiques et leurs évolutions ?

* Quantiles et rapports interquantiles :

Les quantiles partagent un effectif en parts égales de manière ordonnée. A chaque seuil correspond un nouveau groupe d’égal importance.

Par exemple, les déciles partagent l’effectif (population, ménage, etc.) en 10 parts égales avec en D1 les 10% qui perçoivent le moins (ou détiennent le moins s’il s’agit de patrimoine), puis en D2 les suivants et ainsi de suite jusqu’en D9. Le D9 correspond à la fois au 90% qui gagnent le moins et au 10 % qui gagnent le plus.

La médiane partage l’effectif en deux parts égales : la moitié gagnant plus et l’autre moitié gagnant moins.

Les quartiles partagent l’effectif en 4 parts égales avec en Q1 les 25 % qui, perçoivent le moins, puis en Q2 les suivants et enfin en Q3 les suivants, Q3 qui peut représenter les 75 % qui perçoivent le moins ou les 25 % qui perçoivent le plus.

On peut aussi trouver des quintiles qui partagent l’effectif en 5 parts égales ou des centiles qui partagent l’effectif en 100 parts égales.

Remarque : les quantiles peuvent parfois correspondre à des moyennes plutôt qu’à des seuils. Ils comprennent dans ce cas là une donnée supplémentaire, par exemple le D10 pour les déciles. Cela veut dire que les 10 % les plus riches gagnent en moyenne … euros.

Les rapports inter-quantiles, comme les rapports inter-déciles (D9/D1) ou les rapports inter-quartiles (Q3/Q1) permettent de mesurer les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres en établissant un rapport entre ces derniers.

Evolution du rapport interdécile

Par exemple, selon la figure ci-dessus, en 1975, le niveau de vie des 10% les plus riches était en moyenne 4,2 fois supérieur au niveau de vie des 10% les plus pauvres.

Dans les années 1970, les inégalités entre les 10 % les plus riches et les 10 % les moins riches se réduisent. Ainsi, en 1975 les 10 % les plus riches gagnent en moyenne 4,2 fois plus que les 10 % les moins riches. Au début des années 1980, ils ne gagnent plus que 3,6 fois plus.

A partir de 1980, les inégalités ne semblent plus réellement diminuer, le rapport interdécile se situe autour des 3,6.


* La courbe de Lorenz :


Courbe de Lorenz du patrimoine

Si chaque ménage détenait la même quantité de patrimoine, cela voudrait dire que 10% des ménages détiennent 10% du patrimoine, 20% des ménages détiennent 20% du patrimoine, 30% des ménages détiennent 30% du patrimoine, etc. La représentation graphique équivaut alors à la droite d'équi-répartition (la bissectrice). Il s'agit de la répartition la plus égalitaire qui soit.

Si un seul ménage détenait tout le patrimoine, cela voudrait dire que tous les autres ménages ne détiendraient aucun patrimoine : 10% des ménages les plus pauvres détiendraient 0% du patrimoine, 20% des ménages les moins aisés ne détiendraient aucun patrimoine, 30%... etc., 90% des ménages les plus pauvres ne détiendraient aucun patrimoine mais comme un seul ménage détient tout le patrimoine, alors 100% des ménages détiendraient 100% du patrimoine. La représentation graphique est la droite des abscisses jusqu'à 100% ou elle rejoint la droite d'équi-répartition. Il s'agit de la répartition la plus inégalitaire qui soit.

Ainsi la courbe de Lorenz permet de visualiser le niveau d’inégalité au sein d’une société. Plus elle s’éloigne de la droite d’équi-répartition (plus elle s’arrondit), plus la répartition est inégalitaire.

La courbe de Lorenz du patrimoine en France en 2018 suit quasiment l’axe des abscisses jusqu’au 30 % des ménages les moins riches. 40 % des ménages les plus pauvres ne détient que 3 % du patrimoine. La courbe s’éloigne donc de la droite d’équi-répartition. Elle est plutôt arrondie. Cela veut dire que la répartition du patrimoine est plutôt inégalitaire en France.

Remarque : la courbe de Lorenz correspondant à la répartition du patrimoine est beaucoup plus arrondie que la courbe de Lorenz correspondant à la répartition des revenus : la répartition du patrimoine est beaucoup plus inégalitaire que la répartition des revenus.


* Le coefficient de Gini :

Le coefficient de Gini permet de quantifier les inégalités visibles à partir de la courbe de Lorenz en divisant l’aire comprise entre la droite d’équi-répartition et la courbe de Lorenz par l’aire comprise entre la courbe d’équi-répartition et la courbe de répartition totalement inégalitaire.

Si la courbe de Lorenz et la droite d’équi-répartition sont confondus, le coefficient de Gini vaut zéro et la répartition est totalement égalitaire.

Si la courbe de Lorenz se confond avec la répartition la plus inégalitaire, le coefficient de Gini vaut 1 et la répartition est totalement inégalitaire.

Ainsi, plus le coefficient de Gini se rapproche de 0, plus la répartition est égalitaire. Plus il se rapproche de 1, plus la répartition est inégalitaire.


Evolution de l'indice de gini

En France, les inégalités de niveaux de vie ont baissé dans les années 1970. En effet le coefficient de Gini a diminué et s’est rapproché de 0,29 dans les années 1980. Il diminue encore puis remonte : il se situe toujours autour des 0,29 : les inégalités ne diminuent plus réellement.


* Le top 1% : :


Evolutionrépartition des revenus du top 1%

Le top 1 % caractérise la répartition du centile supérieur : les 1 % les plus riches. Par exemple, en 1910, les 1 % des ménages les plus riches percevait 23 % des revenus en France selon l’Insee.

La part des revenus des 1 % les plus riches dans le revenu total diminue jusque dans les années 1980 passant de 22 % en 1900 à 7 % en 1983, inaugurant d’une forte diminution des inégalités. La baisse est particulièrement marquée après la crise de 1929 et après la seconde Guerre Mondiale. Puis la part des revenus des 1 % les plus riches dans le revenu total augmente pour se situer entre 10 et 12 % depuis le fin des années 1990.


* La corrélation de revenu parents-enfants :


corrélation de revenu parents-enfants

La corrélation de revenus parents-enfants permet de mesurer à quelle point le revenu des enfants dépend du revenu des parents. Plus l’indice est proche de 1, plus cette dépendance est forte, plus il est proche de zéro, plus le revenu des enfants est décorrélé de celui des parents et moins les inégalités se transmettent entre parents et enfants.

Par exemple, en Allemagne, l’augmentation d’1 % du revenu du père entraîne une augmentation de 0,32 % du revenu de l’enfant. 32 % d’avantage économique est donc transmis du père à l’enfant en Allemagne. Au Royaume-Uni, le père transmet 50 % d’avantage économique. Au Danemark, c’est 15 %. 50/15 = 3,3. On peut dire qu’un père anglais transmet 3,3 fois plus d’avantage économique à son enfant qu’un père danois.

La France se situe à un niveau plutôt élevé : 41 % d’avantage économique est transmis du père à l’enfant.

Conclusion : différents instruments de mesure permettent de caractériser les inégalités économiques. On distingue les instruments de mesure statiques (qui évaluent les inégalités à une date donnée) comme les rapports inter-quantile, la courbe de Lorenz, le coefficient de Gini, le top 1 %, des instruments de mesure dynamiques (qui évaluent la transmission des inégalités d’une génération à une autre) comme la corrélation de revenus parents-enfants.

Au début du XXème siècle les inégalités économiques sont fortes. Elles se réduisent fortement pendant les Trente Glorieuses jusque dans les années 1980. Elles remontent dans les années 1990 dans beaucoup de pays développés
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