Comment définir et assurer la justice sociale ?

1 – quelles sont les différentes conceptions de la justice sociale ?

* Qu'est-ce que l'égalité des droits ?

article 1 constitution






Tout individu est l’égal d’un autre face à la loi et ne peut être discriminé pour une raison quelconque. Il jouit des mêmes droits et devoirs que tout un chacun. La constitution le lui garantit.



inegalite prison

En pratique, la justice n’est pas aveugle aux caractéristiques sociales des individus. Pour des délits similaires, les sans-emploi, les bas revenus et les étrangers ont plus de chance d’être orientés en comparution immédiate et d’être condamnés à de la prison ferme. L’égalité des droits n’est donc pas totalement effective.

Ces populations n’ont pas les moyens de s’offrir une aide judiciaire correcte ou ne connaissent pas bien les codes et les rouages du système judiciaire. Elles sont donc plus vulnérables face à celui-ci et risquent plus facilement d’être condamnées à des peines plus lourdes.

Définitions:
Egalité : principe général selon lequel les individus doivent être traités de la même façon au sein d’une société.

Egalité des droits : principe selon lequel les individus d’une même société disposent des mêmes droits.

A savoir :
l’égalité de droit n’est pas toujours une égalité de fait. Elle est en partie acquise avec la fin de la féodalité : «les hommes naissent et demeurent libre et égaux en droit» (déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen). Elle ne vise pas à faire disparaître les inégalités économiques et sociales.

* Qu'est-ce que l'égalité des chances ?

enfant cadre enfant ouvrierL’égalité des chances pour un enfant d’ouvrier et un enfant de cadre signifierait que chacun de ces enfants a les mêmes chances d’accéder à un poste de cadre ou d’ouvrier que l’autre enfant. La destinée sociale de ces enfants serait indépendante de leur origine sociale.
Le fait d’avoir rendu l’école obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans favorise une éducation commune entre enfants de catégories populaires et enfants de catégories favorisées et vise à faire en sorte qu’ils disposent des mêmes chances d’insertion sur le marché du travail (même si cela reste encore très insuffisant).
La conception d’égalité des chances est compatible avec la présence d’inégalités dans la société et elle a même tendance à les légitimer. En effet si l’égalité des chances est assurée, les inégalités résultent alors des différences de talents et des choix conscients des individus (ils en sont responsables).

Définition :
Egalité des chances : conception de l’égalité selon laquelle les individus disposent, au début de leur vie sociale, des mêmes possibilités d’accéder aux positions sociales. Ils y accèdent en fonction de leur mérite (talent, efforts, etc.) et non en fonction de leur origine sociale.

* Qu'est-ce que l'égalité des situations ?

inegalite situationLes pouvoirs publics luttent contre les inégalités de situation. Les mesures de redistribution et les aides sociales sont donc des moyens de promouvoir l’égalité des situations. L’impôt sur le revenu permet de réduire les écarts de revenus disponibles et donc les inégalités de situation. L’État prend en effet aux plus riches qui voient donc leurs revenus disponibles diminuer pour le donner aux plus pauvres qui voient leurs revenus disponibles augmenter : les conditions de vie des plus riches et des plus pauvres se rapprochent donc.


Pour certains, si l’égalité des situations est assurée, cela risque de rendre inefficace l’égalité des chances. En effet, cette dernière vise à organiser la compétition sociale : les uns et les autres ayant les mêmes chances d’accès aux positions sociales les plus prisées, ils travailleront dure pour faire parti des meilleurs. Mais si les positions sociales sont équivalentes (égalité des situations), il ne sert plus à rien de fournir des efforts. En clair, les individus ne sont plus inciter à faire des études longues et difficiles.

Définition :
Egalité des chances : conception de l’égalité selon laquelle les individus disposent, au début de leur vie sociale, des mêmes possibilités d’accéder aux positions sociales. Ils y accèdent en fonction de leur mérite (talent, efforts, etc.) et non en fonction de leur origine sociale.

* Qu'est-ce que la justice sociale ?

équitéDans la première image, il est question d’égalité de traitement : tout le monde est traité de la même manière quelque soit sa taille et dispose d’une caisse pour voir le match.

Dans la deuxième image, les trois individus sont égaux car ils peuvent tous voir le match. Mais ils sont traités de manière différente : on donne plus de caisses, à ceux qui en ont le plus besoin (les plus petits) : il s’agit d’un traitement équitable, dans le sens où on le considère comme étant plus juste. C’est le même principe lorsque l’on accorde un tiers temps à un candidat lors d’un concours ou d’un examen afin d’assurer l’égalité des chances.


Conclusion : assurer l’égalité ne rend donc pas forcément la société plus juste, et cela dépend de quelle égalité on veut assurer. Cela dépend aussi de sa propre conception de la justice sociale : par exemple pour certains, tout le monde doit être traité de manière égale, quand pour d’autres, il faut en donner plus à ceux qui en ont le plus besoin et assurer ainsi l’égalité des chances.

Définition :
Justice sociale : ensemble de principes définissant quel est le partage le plus équitable des ressources disponibles dans une société. Ces principes diffèrent selon la conception de la justice que l’on adopte.


Ainsi, on retient quatre grandes conception de la justice sociale :


4 grandes conception de la justice sociale

2 – comment les pouvoirs publics peuvent-ils agir en faveur de la justice sociale ?

* Réduire les inégalités par la fiscalité ?

On distingue trois principaux type de prélèvement :

L’impôt forfaitaire consiste à prélever le même montant à chacun. Il n’a pas vocation à réduire les inégalités.

Le prélèvement proportionnel consiste à prélever à tous une même proportion de la somme gagnée ou dépensée. Comme les plus riches gagnent plus ou dépensent plus, la somme qui leur est prélevée est généralement plus importante. C’est le cas de la TVA (20% pour le taux normal), de la CSG, des cotisations sociales, etc.

L’impôt progressif consiste à appliquer un taux de plus en plus important lorsque le niveau de revenu est de plus en plus élevé. Les moins riches ont donc un taux d’imposition moins élevé que les plus riches.


L'exemple de la Taxe sur la Valeur Ajoutée :

un pauvre

Un individu qui gagne 1000 euros, en consomme 900 (propension à consommer de 90%) et en épargne 100 (propension à épargner de 10%). Il paiera 180 euros de TVA (20% de 900 euros), soit 18% de son revenu (180 / 1000 X 100).


un riche

Un individu qui gagne 10 000 euros, en consomme 5000 (propension à consommer de 50%) et en épargne 5000 (propension à épargner de 50%). Il paiera certes un montant de TVA plus élevé, c'est-à-dire 1000 euros de TVA (20% de 5000) mais cela ne représente que 10% de son revenu (1000 / 10 000 X 100).


Ainsi plus le revenu augmente, plus la part prélevé par l'impôt sur la consommation diminue. La TVA peut être considérée comme un impôt injuste dans le sens où les moins aisés font un plus gros effort que les plus aisés. Or la TVA représente plus de 50% des recettes de l’État.


L'exemple de l'impôt sur le revenu :


Barème impôt sur le revenu


un pauvre
Ainsi, pour un individu qui gagne 20 000 euros par an :
- jusqu’à 10 225 €, il n’est pas imposé;
- jusqu’à 20 000 €, il est imposé à 11 %. Il donne donc à l’État (20 000 – 10 225) X 0,11 = 1075 €.

Il est donc imposé à (1075/20 000) X 100 = 5,4 %


un richePour un individu qui gagne 100 000 euros par an :
- jusqu'à 10 225, il n'est pas imposé;
- de 10 226 à 26 070 €, il est imposé à 11% : (26 070 - 10 226) X 0,11 = 1743 €;
- de 26 071 à 74 545, il est imposé à 30% : (74 545 - 26 071) X 0,3 = 14 542 €;
- de 74 546 à 100 000, il est imposé à 41% : (100 000 - 74 546) X 0,41 = 10 436 €.

Il devra donc à l'Etat : 1743 + 14 542 + 10 436 = 26 721 €.
Et il est imposé à 26,72% ((26 721 / 100 000) x 100).

L’impôt sur le revenu peut être considéré comme un impôt juste dans le sens où l’effort (ou le taux d’imposition) augmente en fonction des revenus. Cependant, en France, l'impôt sur le revenu ne représente même pas 20% des recettes de l’Etat.

Remarque : la multiplication des niches fiscales (dérogation fiscale, vide juridique ou lacune) permettent dans certaines conditions de payer moins d'impôt ou d'échapper à l'impôt sans être en infraction. Ces niches fiscales profitent aux ménages les plus aisés, les mieux informés, qui pratiquent l'optimisation fiscale.

Conclusion : la fiscalité, c’est-à-dire l’ensemble des impôts et des taxes que perçoit l’État peut servir à réduire les inégalités en prélevant davantage aux plus aisés.

Définition :
Fiscalité : ensemble des impôts et des taxes que perçoit l’État.


* Réduire les inégalités par la protection sociale ?

La redistribution regroupe l'ensemble des mesures prises par l'État ou par d'autres administrations publiques pour modifier la répartition des revenus en prélevant des impôts et des cotisations sociales et en distribuant des revenus de transfert (ou prestations sociales). La redistribution peut être horizontale ou verticale.


Pierre Laroque

«La redistribution, ce n’était qu’un moyen. Le but était d’assurer à la masse des travailleurs, et pour commencer aux salariés, une sécurité véritable du lendemain. Cela allait de pair avec une transformation sociale et même économique, l’effort qu’on leur demandait pour la mise en marche de l’économie devait avoir une contrepartie

Pierre Laroque fut chargé par le ministre du Travail, Alexandre Parodi, de mettre en œuvre le plan de sécurité sociale préconisé quelques mois plus tôt par le Conseil national de la Résistance. Il devient ensuite le premier directeur de la Sécurité sociale jusqu’en 1951.


Ainsi, après la seconde Guerre Mondiale, le rôle de l'Etat s'est considérablement développé, notamment pour réduire les inégalités (Etat Providence). Une protection sociale existait déjà pour les accidents de travail au début du XXè siècle; mais l'Etat assurera une protection sociale plus complète : maladie, famille, vieillesse, perte d'emploi (en 1958).

La redistribution modifie la répartition des revenus primaires : revenus d’activités (salaires, traitements, honoraires, etc.) et revenus du patrimoine (loyers, intérêts perçus, dividendes, etc.). Elle consiste à prélever (impôts, taxes et cotisations sociales) et à reverser des revenus de transfert (pension de retraite, indemnité maladie, allocations familiales, indemnités chômage, etc.).

En France, en 2015, le revenu moyen mensuel des 10 % les plus aisés était, avant redistribution 21,1 fois plus élevé que le revenu moyen mensuel des 10 % les plus modestes. Après redistribution, il n’était plus que 5,7 fois plus élevé.

Remarque : c'est la sécurité sociale (l'administration) qui assure l'essentiel de la protection sociale. Mais on peut rajouter aujourd'hui le pôle emploi qui a pris de l'importance du fait de la montée du chômage.

Définitions :
Protection sociale : institution et mécanismes, fondés sur le principe d'une solidarité nationale, qui garantissent des ressources aux individus placés dans des circonstances particulières (maladie, vieillesse, etc.).

Conclusion : la protection sociale est principalement financée par des cotisations sociales. Elle fonctionne sous la forme d’une redistribution (versement de prestations sociales appelées revenus de transfert) et permet la réduction d’inégalités.

* Réduire les inégalités par les services collectifs ?

Médiathèque de l'Isle d'AbeauL'Etat produit des services collectifs, d’éducation par exemple : en 2020, l’État français dépensait en moyenne 9850 € par élève du secondaire.
L’État produit d’autres services collectifs : de santé (hôpitaux), de transport (bus, métro, etc.), d’accès à la culture (médiathèques), etc.
En favorisant l’accès à tous à ces services collectifs, et ce, quelle que soit la catégorie sociale à laquelle on appartient, les pouvoirs publics peuvent réduire les inégalités.

Définition :
Services collectifs : activités économiques d'intérêt général exécutés par l'Etat ou sous son contrôle (transports collectifs, cantines, écoles...).

Conclusion : la protection sociale et les services collectifs de l’Etat contribuent à la réduction des inégalités.


* Réduire les inégalités par des mesures de lutte contre les discriminations ?

discrimination emploiUn travailleur handicapé a plus de difficulté à trouver un emploi car il est victime de discrimination par les potentiels employeurs qui pensent notamment qu’un travailleur handicapé est moins productif ou moins facilement intégrable à leur entreprise.
Pour répondre à cette discrimination, les pouvoirs publics mettent en place des lois qui rendent obligatoire pour les entreprises de plus de 20 salariés l’emploi de salariés handicapés à hauteur de 6 % du total des salariés de l’entreprise. Les entreprises ne respectant pas cette mesure doivent payer une amende.

Si l'amende est suffisamment dissuasive, le mesure peut être efficace, sinon les entreprises risquent d’opter pour l’amende (c’est le cas pour certaines entreprises).

Définition :
Discrimination : désigne une différence de traitement entre des personnes ou des groupes en raison de critères interdits par la loi comme la couleur de la peau, le sexe, l’origine, le handicap, l’orientation sexuelle, etc.

3 – quelles sont les limites de l’intervention des pouvoirs publics en matière de lutte contre les discriminations ?

image déficitLes recettes publiques sont les recettes de l'Etat au sens large (Etat central, collectivités territoriales, administrations de sécurité sociale), constituées des impôts, de taxes, des cotisations sociales et d'autres produits non fiscaux.
Les dépenses publiques sont les dépenses de l'Etat au sens large : dépenses de fonctionnements (salaires des fonctionnaires : éducation, justice, police, etc..), travaux (entretien des infrastructures, etc.), protection sociale, etc.
Sur une année, lorsque les recettes sont inférieures aux dépenses, on dit que les comptes de l'Etat accusent un déficit.


Remarque : lorsque les recettes sont égales aux dépenses, le budget de l'Etat est en équilibre. Lorsque les recettes sont supérieures aux dépenses, le budget de l'Etat est en excédent.

image dette publique
La dette publique a fortement augmenté passant d’environ 30 % du PIB en 1986 à pas loin de 100 % du PIB en 2018. L’augmentation de la dette est due à une augmentation des dépenses (notamment en période de crise comme en 2008) mais aussi à une réduction de certaines recettes (baisses d’impôts). Elle atteint 100,4% du PIB en 2019. Ainsi, pour certains, l’État n’a plus les moyens de lutter contre les inégalités et d’assurer la justice sociale, car il est trop endetté (il doit réduire encore plus ses dépenses).


Quoi qu'il en coûte

Remarque : la crise sanitaire et le « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron ont pour effet de faire encore augmenter la dette. Elle serait de 114,9 % du PIB à la fin 2021 (données provisoires) selon l’Insee.


Conclusion : certains critiquent les actions de l’État en faveur de la réduction des inégalités car celles-ci ne sont pas suffisamment efficaces et sont trop coûteuses. Elles ont pour effet d’accroître la dette publique, or celle-ci est déjà bien élevée selon eux. Toutefois, tous les économistes ne sont pas d’accord avec cette analyse.


image gillets jaunes bonnets rouges







Des individus notamment issus de catégories populaires ou travaillant à leur compte (professions indépendantes) remettent en question l’efficacité des actions de l’État. Cela se traduit par un faible consentement à l’impôt qui peut conduire à des mouvements sociaux (bonnets rouges, gilets jaunes). On parle alors de crise de légitimité de l’État.


alocations chômage


Si l’allocation chômage que perçoit un chômeur est proche du salaire auquel ils peut prétendre sur le marché du travail, il ne sera pas incité à sortir du chômage pour entrer sur le marché du travail. Il est alors pris dans ce que les économistes appellent une « trappe à inactivité ».


Remarque : dans les faits, l’effet désincitatif est faible chez les jeunes. D'autres incitations poussent les jeunes à accepter de travailler :
- l’emploi est source de sociabilité,
- l'emploi est une norme sociale à atteindre,
- l'emploi permet de préparer sa retraite,
- l'emploi procure de l'expérience et enrichie le curriculum vitae...

Conclusion : l'intervention de l’État en matière de réduction des inégalités est parfois critiqué car elle peut être source d'effet désincitatif comme la désincitation au travail (trappe à inactivité). Mais cet effet ne se retrouve pas forcément dans les faits.