En France, durant l’année scolaire 2019 – 2020, selon le Ministère de l’Éducation nationale, seulement 3 % des étudiants dans les Écoles Normales supérieures étaient des enfants d’ouvriers.
Pour le sens commun, il s’agit d’exceptions. Le sociologue parle, lui, de trajectoire individuelle improbable.
Pour les sociologues, la volonté n’est pas le principal déterminant.
L’individu a besoin, lors de sa socialisation, d’avoir des modèles auxquels il peut s’identifier. Et cela est possible seulement parce que la famille n’est pas la seule instance de socialisation : il y aussi l’école (l’institutrice qui va encourager l’élève), le groupe de pair (rencontre amicale ou rencontre amoureuse), les médias (où l’individu peut trouver un modèle désirable dans lequel se projeter), etc.
Définition :trajectoire individuel improbable : trajectoire sociale (réussite scolaire et / ou évolution professionnelle) d’un individu qui déjoue le déterminisme de ses origines sociales.
Conclusion : la pluralité des influences socialisatrices peut être à l’origine des trajectoires individuelles improbables.

Un interne est un praticien en cours de formation spécialisée (ici en chirurgie), qui exerce sous la responsabilité d'un médecin senior. C’est le médecin senior qui forme les internes qui est en train de s’exprimer dans la bande dessinée ci-dessus.
Les internes n’apprennent pas que des savoirs-faire, ils apprennent aussi d’autres normes et d’autres valeurs censées leur être utiles dans leur profession comme par exemple le fait de ne pas faire preuve d’empathie envers les patients (afin d’être plus efficace).
Mais il s’agit d’une socialisation secondaire (et plus précisément d’une socialisation professionnelle) car elle ne remet pas fondamentalement en cause l’identité sociale que l’individu s’est construite lors de la socialisation primaire.
De plus, en dehors de leur profession, les internes peuvent continuer à se comporter « normalement ».
Pour certains internes, la socialisation professionnelle peut venir remettre en cause les normes et les valeurs acquises lors de la socialisation primaire : on parle alors de socialisation de transformation voire de socialisation de rupture.
Mais d’autres ont déjà acquis lors de leur socialisation primaire un ensemble de (pré)-disposition : on parle alors de socialisation de renforcement.
Définitions :Socialisation de renforcement : socialisation secondaire qui prolonge les apprentissages et les dispositions acquis lors de la socialisation primaire.Socialisation de transformation : socialisation secondaire qui modifie tout ou en partie les acquis de la socialisation primaire.
Le sociologue Jean-Claude Kaufmann s’intéresse à un autre type de socialisation secondaire : la socialisation conjugale. Il écrit : « Le début du couple est une aventure. Une aventure sentimentale, bien sûr, qui arrache à l’ancienne existence. Mais une aventure au quotidien aussi, par l’invention d’un mode intime qui redéfinit profondément les deux identités. Des styles et des manières, susceptibles d’avoir un long avenir, se jouent à partir d’évènements minuscules ».
Il relève par exemple le témoignage suivant : « Agnès a mené la guerre pour que Jean apprenne à ranger ses vêtements, qu’il abandonnait en tas informes. […] L’irritation s’évaporait à mesure qu’Agnès constatait les progrès : Jean faisait des efforts et changeait ».
On retrouve bien dans ce type de socialisation aussi la socialisation de transformation. Jean apprend une nouvelle norme, celle de ranger ses vêtements.
Cette socialisation secondaire est moins intense que la socialisation primaire puisque les individus peuvent conserver certaines habitudes et vivre malgré tout ensemble. C’est le cas d’Élisa et de son compagnon : « J’adore sortir, faire les magasins, voir des amis. Alors que lui est assez pantouflard. Il aime être chez lui, sans que personne l’embête, en ayant tout le temps devant lui » (Élisa).
Julie Pagis est une sociologue spécialisée en sociologie politique. Elle relate dans son ouvrage l’histoire suivante : « Anne vit chez ses parents en Bretagne au printemps 1968. « Collée à la radio et suspendue aux journaux », Anne cherche à rejoindre Paris, mais ses parents l’en empêchent : à 19 ans, elle est encore mineure. […] Quelques mois après les évènements, Anne retrouve à Paris d’anciens camarades de lycée et tombe amoureuse d’un militant de la Gauche prolétarienne. Alors que ses parents lui ont donné de l’argent pour [partir aux États-Unis], elle achète finalement une mobylette pour sillonner la banlieue, vivre et militer avec Alain ». Les évènements de mai-juin 68 jouent ici un rôle de socialisation de prise de conscience, dans la mesure où Anne découvre et s’approprie un langage politique qui vient donner sens à son humeur révoltée ».
A plus de 19 ans, on peut considérer qu’Anne est une jeune adulte : il s’agit donc plutôt d’une socialisation secondaire et plus précisément d’une socialisation politique.
Anne s’approprie un langage politique. Il s’agit d’une socialisation de transformation dans le sens où elle modifie sa façon de s’exprimer en ajoutant du vocabulaire et de l’argumentation politique.
Mais il s’agit aussi d’une socialisation de renforcement dans le sens où elle avait déjà un sentiment de révolte.
Conclusion : il existe des socialisations secondaires (professionnelle, conjugale, politique...) qui font suite à la socialisation primaire et qui peuvent modifier ou renforcer l'identité sociale des individus.